Eh non ce blog n’est pas mort-né, comme tous précédents. Quelques mois plus tard voici venir un petit sujet sur un bouquin en guise de perfusion. En l’occurence je vais aborder des lectures récentes qui sont les deux premiers tomes d’une trilogie de Brandon Sanderson. Mais qui est ce Brandon Sanderson ? Moi qui n’ai pas trop suivi ce qui s’est fait de nouveau en fantasy ces dix dernières années, le nom de Sanderson, rien à voir avec la BO de la Boum, m’est souvent revenu comme parmi les plus cités. Deux choses sur son compte ressortaient souvent. Premièrement il a été désigné pour terminer la saga de la Roue du Temps laissée en friche par le départ de Robert Jordan, on a beau penser ce qu’on veut de ce cycle, l’importance de celui-ci témoigne d’un certain crédit porté à ce jeune auteur. D’autre part il semble souffrir d’une super-activité aigue, un peu le genre de type à s’enquiller deux trilogies dans la même année en en commençant deux autres.
Bref, j’ai commencé à lire du Sanderson. A commencer par Elantris, ce qui fait plus ou moins figure si j’ai bien compris de premier roman. J’en parlerais peut-être dans un premier billet, pour résumer la lecture je dirais que l’on sent dans ce roman un bon potentiel de bâtisseur d’univers et aussi justement un côté « premier roman ».
Deuxième lecture donc avec Fils des brumes, premier tome d’une trilogie dans un univers différent que Sanderson semble vouloir beaucoup développer. Le pitch c’est une ville mégalopolesque concentrant le pouvoir d’un monde dirigé de main de fer par un tyran. Un tyran censé avoir sauvé le monde il y a une paire de millénaires et qui aurait franchement viré droitier depuis, construisant son autocratie autour d’une noblesse découpée en maisons et d’un régiment de religieux tendance SS. Le reste de la population, absolument le reste constitue une caste d’esclaves. Vous avez bien deviné, tout l’objet du roman tourne autour d’une rébellion.
Rien de franchement nouveau donc, si ce n’est quand on en vient au système de magie existant. En effet un certain nombre de nobles dispose du pouvoir d' »allomancie ». L’allomancie, c’est quoi ? Il s’agit d’avaler un peu de métal et selon le métal consommé on peut utiliser un pouvoir particulier lié au type de métal. Par exemple l’acier permet de pousser du métal à distance, le fer de l’attirer à soi, ou alors c’est l’inverse peu importe. Il y a un nombre limité de pouvoirs qui s’organisent par des couples plus ou moins basés sur l’attraction / répulsion. La plupart du temps on ne peut utiliser qu’un seul métal. Par contre quand un gugusse peut utiliser tous les métaux alors là c’est une sorte de big boss, et on appelle ça un Fils des brumes. Il y a aussi des métaux plus précieux, dont l’un très rare permet de passer en mode bullet time. Ce métal tient d’ailleurs place d’enjeu pour les différents protagnistes.
L’intrigue nous fait donc suivre une bande de rebelles s’apprêtant à renverser le gros méchant. Ils sont pour la plupart des sang-mêlés de nobles et sont presque tous dotés du don d’allomancie avec deux Fils des brumes. Le premier est Kelsier, le chef de la rebellion et l’autre s’appelle Vin, une jeune voleuse méfiante intégrant la bande au début du roman. Ensemble ils vont vivre de grandes aventures…
J’arrête la pour la présentation, passons à ce que j’ai pensé du roman. Les promesses d’Elantris sont assez bien confirmées, je trouve que le style de Sanderson s’est bien renforcé. C’est assez fluide, sans être simpliste, ça s’enchaîne assez bien. Pas mal d’introspection dans les personnages, on ne crache pas dessus. Sur la forme donc c’est plutôt pas mal. Sur le fond, malgré des aspects très classiques, l’univers est intéressant avec de gros points forts. Le système de magie en particulier, Sanderson a un talent certain pour développer un système inédit, riche et cohérent… et bien exploité. Les combats entre allomanciens sont des passages longuement décrits, très cinématographiques, on imagine très bien des mouvements virevoltants à la Tigre et dragon, des machins partant dans tous les sens sauce Magnéto, bref c’est bien plaisant.
Après mûre réflexion je suis un peu plus réservé sur le reste. A part Vin et Kelsier j’ai trouvé les personnages secondaires un peu creux, pas très travaillés. Qui sont-ils, d’où viennents-ils, etc au final j’ai ressenti très peu d’empathie pour eux. Ce qui est étrange pourtant c’est que Sanderson ne ménage pas ces efforts pour nous offrir des scènes où ils sont tous présents, à babiller, à se lancer des vannes pour bien nous montrer que la petite Vin et nous-même par conséquent avons débarqué au sein d’une belle bande de potes balèzes, dans le Scooby gang type Buffy. C’était déjà le cas dans Elantris où la aussi une bande de séditieux se retrouvait à causer coups de putes à table. Cet aspect là m’a fortement rappelé les bandes de héros de Eddings, grosbills et goguenards. Il me semble d’aileurs avoir lu que Sanderson apprécie Eddings et je trouve que cela se voie, à la fois dans ses relations entre ses personnages, l’humour y étant beaucoup présent et dans son soin à construire un univers bâti pile par pile et cohérent. Malheureusement dans mon cas la sauce n’a pas vraiment pris, peut-être y avait-il là un goût trop artificiel pour complètement entrer dans la bande.
Cela nous mène au deuxième point que j’ai moins apprécié dans le roman, à savoir sa partie centrale ou plutôt le déséquilibre entre celui-ci et la partie finale. Alors que le gros roman est assez statique, avec des positions qui n’évoluent que peu, le final est comme pour Elantris un véritable feu d’artifice. Un peu comme si on matait pendant deux heures l’assemblée nationale et que tout d’un coup Jack Bauer apparaît tout en sang, matraque Bernarc Accoyer en lui postillonant « where’s the bomb ? » et que deux secondes plus tard une explosion retentit. Ce n’est pas tant l’aspect spectaculaire du final, ma foi plutôt bien rendu avec son lot de rebondissements, qui me châgrine. Mais bien d’avoir eu à me taper 500 pages de mecs qui tapent le bout de gras au coin d’une cheminée sans que ça n’ait beaucoup d’importance sur la tournure des évènements finaux.
En fait la lecture de ce roman me fait apparaître des impressions assez paradoxales. On passe beaucoup de temps avec les personnages, pourtant je n’ai pas le sentiment de bien les connaître. Même chose pour l’univers, alors que le système de magie bénéficie de traitements très travaillés et que le monde construit repose sur des bases spécifiques, je n’ai pas réellement l’impression de bien connaître la société et la ville décor. Je ne vois pas bien comment s’articulent les segments de la société, quelles sont les relations qui les lient, quelle est l’économie du monde décrit. Il y a une foule d’esclaves qui bossent pour des nobles qui se tirent dans les pattes à des bals sous la houlette du Big Guy, ok, ça a l’air de marcher mais je n’en connais pas beaucoup plus, comme une impression de décor théatral. En contrepartie ce côté carton pâte, assez artificiel, contribue sans doute à l’aspect mystérieux et intriguant de l’univers : qui est le Maître ? qu’a t-il fait il y a des Millénaires ? que sont les Inquisiteurs ? etc Sanderon en garde manifestement pas mal sous la pédale.
Ce que je dis peut paraître assez dur mais la lecture de l’ensemble est quand même restée assez agréable. Malgré les disparités de rythme et de profondeur que je peux reprocher, Sanderson sait installer une tension et un mystère qui vont crescendo et aboutissent à un final holywoodien qui ne déçoit pas sur ce côté la. Le premier livre peut aisément se suffire à lui-même, mais on veut en savoir plus, n’est-ce pas ? La suite, Le puits de l’ascencion, dans un prochain billet donc.
ps : C’est disponible en grand format chez Orbit, en d’autres formats je ne sais pas.